
« Mes couleurs sont celles de la nature morte latino-américaine. Mes personnages sont ceux de la classe moyenne latino-américaine, des putains, des militaires… », confiait Fernando Botero au Monde en 1985. Le peintre et sculpteur colombien, devenu célèbre justement pour ses personnages aux formes voluptueuses, est mort, a annoncé vendredi 15 septembre le président colombien, Gustavo Petro.
« Fernando Botero, le peintre de nos traditions et de nos défauts, le peintre de nos vertus, est mort », a-t-il déclaré sur le réseau X (anciennement Twitter), sans préciser le lieu ni la date de la mort. « Le peintre de notre violence et de notre paix. De la colombe mille fois rejetée et mille fois placée sur son trône », a ajouté le président Petro, en référence à l’un des animaux emblématiques de l’œuvre de l’artiste.
Influence de l’art précolombien
Fernando Botero est né à Medellin en 1932. Francophile, élevé au rang d’officier de la Légion d’honneur en 2002 à l’ambassade de France à Bogota, il est considéré comme l’un des plus grands artistes latino-américains du XXe siècle.
Fils d’un représentant de commerce, il s’initie à l’art très tôt. A l’âge de 15 ans, il vendait déjà ses dessins de tauromachie aux portes des arènes de Bogota. « Quand j’ai débuté, c’était un métier exotique, en Colombie, qui n’était pas bien vu et n’offrait aucun avenir. Lorsque j’ai dit à ma famille que je comptais me consacrer à la peinture, ils m’ont répondu : “Bon d’accord, mais nous ne pouvons pas t’aider” », racontait l’artiste colombien le plus coté au monde.
Après une première exposition individuelle à Bogota pendant les années 1950, il part pour l’Europe, séjournant en Espagne, en France et en Italie, où il découvre l’art classique. Son œuvre est aussi influencée par l’art précolombien et les fresques du Mexique, où il s’installera plus tard.
Sa carrière décolle pendant les années 1970, lorsqu’il rencontre le directeur du Musée allemand de New York, Dietrich Malov, avec lequel il organisera plusieurs expositions à succès. « Totalement inconnu, sans même un contrat avec une galerie de New York, j’ai alors commencé à être contacté par les plus grands marchands d’art du monde », racontait-il.
Dimensions hors norme et « défenseur du volume »
Les dimensions hors du commun de son art, qui deviendront sa marque de fabrique, se révèlent en 1957 dans le tableau « Nature morte avec mandoline ». Il peint alors une mandoline dont l’ouïe centrale (ouverture) est trop petite comparativement à la taille de l’instrument. Ainsi, expliquait-il : « Entre le petit détail et la générosité du tracé extérieur, une nouvelle dimension apparaît, plus volumétrique, plus monumentale, plus extravagante. »
Pour l’artiste, le qualificatif de « gros » ne convenait pas à ses personnages. Amoureux de la Renaissance italienne, il se disait « défenseur du volume » en art moderne. Sa sculpture, également marquée par le gigantisme, a occupé une place très importante dans sa carrière, développée essentiellement à Pietrasanta, en Italie. Il a partagé pendant des années sa vie entre ce coin de Toscane, New York, Medellin et Monaco, où il continuait de créer.
L’artiste, qui disait ne jamais savoir ce qu’il allait peindre le lendemain, s’est inspiré de la beauté, mais aussi des tourments de son pays.
En 1995, une bombe placée au pied de sa sculpture « L’Oiseau » avait tué 27 personnes à Medellin. Cinq ans plus tard, il avait fait don d’une réplique baptisée « L’Oiseau de la paix ». Son œuvre met en scène guérillas, séismes, maisons de passe. Il a aussi peint une série sur les prisonniers du pénitencier américain d’Abu Ghraib, en Irak.
L’artiste a aussi été un grand mécène, avec des donations estimées à plus de 200 millions de dollars. Il a donné aux musées de Medellin et de Bogota nombre de ses œuvres, et des dizaines de tableaux de sa collection privée, parmi lesquels figurent des Picasso, Monet, Renoir, Miro…
Sa ville natale lui avait consacré une exposition, pour ses 90 ans, afin de le remercier. Ses œuvres sont aussi visibles en plein air dans de nombreuses villes du monde, l’artiste estimant que les expositions dans les espaces publics sont un « rapprochement révolutionnaire » de l’art avec le public.
Marié trois fois, sa dernière épouse étant la sculptrice grecque Sophia Vari, le « maestro » a souffert de la mort, dans un accident de voiture, de l’un de ses enfants, alors âgé de quatre ans.
L’œuvre de Fernando Botero, riche de plus de 3 000 tableaux et 300 sculptures, démontre un insatiable appétit de créer. La seule idée d’abandonner les pinceaux « me terrifie plus que la mort », disait-il.