La jeune nonne, toujours accompagnée de sa guitare, baptisée “sœur Adèle” n’a pas son pareil pour animer les retraites. Pour ses consœurs, pour les jeunes filles qui fréquentent le couvent, elle compose. Elle a, par exemple, couché sur papier quelques strophes évoquant la vie de Dominique, son saint patron, dont elle veut faire son modèle. La chanson est au goût du jour. Philips en a entendu parler. Il veut à tout prix l’enregistrer. Mais Sœur Luc-Gabriel est timide. Ce sont ses supérieures qui doivent la pousser, le 24 octobre 1961, vers le studio d’enregistrement. Elles ont senti la bonne affaire financière, une nouvelle source de revenus pour leurs missions en Afrique.
Début 1962, le disque est sur le marché. Et on se l’arrache. Des étudiants parisiens, qui ne la connaissent pas, trouvent la mélodie et les textes souriants. Sœur Luc-Gabriel devient ainsi Sœur Sourire et, dans toute l’Europe, un phénomène de société. Même si elle fuit les photographes, elle fait la “une” des magazines, littéralement traquée par les premiers paparazzis. Elle fréquente les plateaux de télévision, vend des millions de disques.
Avec un léger décalage, les États-Unis s’emparent du personnage. On parle de plus de 2 millions de disques vendus en quelques semaines, soit plus qu’Elvis Presley et les Beatles réunis.
Pendant dix semaines, sa chanson tient même le sommet du classement du Billboard, le hit-parade américain. Mais aussi en Australie, en Argentine, en Hongrie, en Israël, en Afrique du Sud. “Dominique” est traduit en quinze langues. Même le célèbre Ed Sullivan Show déplace des tonnes de matériel à Fichermont pour diffuser, le 5 janvier 1964, une émission entièrement consacrée à la “Singing nun”.
Toute cette pression médiatique épuise la religieuse. Le 4 juillet 1966, elle quitte Fichermont pour expérimenter une vie de sœur laïque, hors des murs du couvent. Elle s’installe à Heverlee, avec une amie, psychothérapeute. Et elle se remet à composer. Mais pour être libre, elle a dû renoncer à ses droits passés et à l’utilisation de son pseudonyme. Son nouvel album est un échec.
Sœur Sourire est ruinée, harcelée par le fisc, abandonnée par ceux qui ont profité d’elle, détruite psychologiquement.
Complètement désespérées, à bout, Jeannine Deckers et Annie Pecher décident de mettre fin à leurs jours, probablement le samedi 30 mars 1985, dans leur appartement de Wavre. On retrouvera leurs corps deux jours plus tard, des lettres d’adieu soigneusement déposées devant leurs derniers biens, deux guitares. “Adèle”, celle de Sœur Sourire et une autre offerte par Georges Brassens. Suivant leurs dernières volontés, les deux amies sont inhumées ensemble au cimetière de Wavre.
Dans leur boîte aux lettres, on retrouvera, plus tard, deux courriers: l’un annonçant la fin du litige avec le fisc ; l’autre, de la SABAM, annonçant le versement de droits d’auteur. Hélas trop tard.
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Maurice Carême, le chantre bien aimé des Wavriens

Celui qui se fit appeler “le prince en poésie” est né à Wavre, rue des Fontaines, le 12 mai 1899. Il va y grandir jusqu’à ses dix-neuf ans. Bon élève, Maurice Carême passe ses loisirs à gambader dans la campagne avoisinante, y trouvant l’inspiration pour ses premiers textes. Mais aussi ce besoin intense, tout au long de sa vie, d’y revenir, d’y parcourir les sentiers, les champs, les bois de son enfance.
Car, doté d’une bourse d’études qui va lui permettre d’obtenir un diplôme d’instituteur, notre homme va quitter Wavre pour s’installer à Anderlecht. Il va même y construire une belle maison blanche, à l’image de celles qu’il rencontrait dans ses escapades brabançonnes.
On ne compte plus, parmi les quelque nonante recueils de poèmes ou de contes qu’il publia, combien ont été inspirés par son terroir natal.
Maurice Carême est, avec Georges Simenon, l’auteur belge le plus traduit: son univers a été traduit dans toutes les langues européennes, mais aussi en chinois, en japonais, en ouzbek, en arabe, en bengali, voire en afrikaans.
Maurice Carême s’est toujours dit persuadé qu’il n’aurait jamais été l’homme qu’il est devenu sans ses racines brabançonnes, sans ce pays à hauteur humaine, sans ses origines modestes qui vont lui permettre de se construire une philosophie faite de bonté, de respect de l’autre et de liberté. C’est donc tout naturellement que, dans son testament, il va demander à être enterré dans sa ville, en un lieu où il a joué enfant… mais en dehors du cimetière.
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Dernière diva belge, la soprano Clara Clairbert cachait ses origines marbaisiennes

Clara Clairbert fut, dans la première moitié du XX siècle, l’une des plus grandes voix belges. Mais la soprano a toujours laissé planer le doute sur ses vraies origines.
À croire sa biographie officielle, la plus célèbre cantatrice belge serait née Clara Impens, le 21 février 1899, à Saint-Gilles, au sein d’une famille de la petite bourgeoisie. C’est en accompagnant le ministre Berryer, devenu haut-commissaire de Belgique à Paris, qu’elle aurait fait la connaissance de Mademoiselle Morel, réputée pour ses cours de chant, et put se former à l’art vocal. Mais, depuis quelque temps, des historiens ont découvert que les premières années de sa vie ont été tout autres. Elle serait en fait née Lucie Sauvage, dans le petit village de Marbais, aînée d’une famille de neuf enfants. Son père, modeste ouvrier en bâtiment, ambitionne de la faire entrer au service des châtelains du coin. Mais elle ne l’entend pas de cette oreille et préfère fuir la campagne et oublier à jamais ses origines familiales.
À peine arrivée à Bruxelles, elle est très vite repérée pour ses talents de chanteuse. Le 4 août 1924, elle effectue ses débuts de chanteuse professionnelle. Et c’est le triomphe. La suite est tout simplement prodigieuse. Sous le nom de Clara Clairbert, elle impose sa silhouette et sa voix. C’est sans doute la dernière des divas belges. Les plus grands ténors du moment rêvaient de duos avec elle.
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Jules Wabbes, le maître des designers belges

Jules Wabbes quitte l’école à l’âge de seize ans pour entamer un stage d’apprentissage comme photographe portraitiste. Ainsi formé, il installe, dans la droguerie de son père, un atelier de photographie.
Son service militaire et la mobilisation vont toutefois mettre un terme à cette activité. Démobilisé en août 1940, il va rejoindre la joyeuse bande des “Comédiens routiers”, une troupe de théâtre itinérant fondée par les frères Jacques et Maurice Huisman et qui anime bien des villages durant toute l’occupation. Peu doué pour le théâtre, son rôle se cantonne à faire de la figuration et à assumer l’intendance.
Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, Jules Wabbes va, une fois de plus, changer d’orientation. Adorant chiner dans les marchés aux puces, doué pour y trouver des objets à mettre en valeur, il ouvre, avec Louise Carrey, un magasin d’antiquités. Habile de ses mains, il aime transformer les vieux meubles, les adapter au goût du jour. Sa créativité va pousser ses amis à lui conseiller de créer ses propres meubles. En 1951, il ouvre ainsi un atelier d’architecture et de design industriel et sort ses premiers meubles à lattes.
On ne compte plus, à cette période, les tables, bibliothèques, commodes sorties de son imagination. Mais Jules Wabbes ne se limite pas au mobilier. En 1954, il est chargé par la Sabena, la compagnie aérienne belge, d’étudier la décoration de ses avions. Et aux côtés de l’architecte André Jacqmain, il se lance aussi dans le parachèvement d’immeubles de bureaux. Tout est meublé par ses soins. Son ingéniosité est d’ailleurs remarquée par le Département d’État, à Washington, qui va lui confier l’aménagement complet des ambassades américaines à La Haye, Rabat, Dakar, Tanger et Port-au-Prince.
On retrouve sa marque et ses meubles dans la grande salle du foyer du Théâtre national à Bruxelles, dans les salons du Premier ministre belge, dans bien des navires sortant des chantiers navals Boel et fils à Tamise. C’est d’ailleurs lui qui conçoit l’appartement royal sur le Godetia, le joyau de la Force navale belge. Il aménage aussi les splendides locaux de l’immeuble Glaverbel, à Bruxelles, l’étage de la direction du Crédit communal de Belgique, les salles de réunion et de la direction de la Royale belge, la nouvelle bibliothèque des sciences à Louvain-la-Neuve, les bureaux du recteur de l’UCLouvain et même la salle des coffres du siège de la Société Générale de Banque à Bruxelles.
Lorsqu’il en trouve le temps, Jules Wabbes va aussi décorer l’ancien “château” de Maransart qu’il occupe, depuis 1965, en compagnie de son épouse et de ses quatre enfants. Il va y vivre ses derniers instants, décédant, le 29 janvier 1974, à l’âge de 54 ans.
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